Serra Pelada: Ruée vers l’or en Amazonie

Au début des années 1980, tous les regards se tournent vers l’Amazonie et plus précisément vers l’Etat du Pará. De l’or vient d’y être trouvé ! C’est le début d’une ruée légendaire, l’histoire de ce qui deviendra rapidement la plus grande mine d’or à ciel ouvert au monde.

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Photo de la mine de Serra Pelada prise par le photographe Sebastião Salgado.(Source: https://incrivelhistoria.com.br/sebastiao-salgado-serra-pelada/)

 La ruée vers l’or

Alors qu’on pensait que la ressource aurifère brésilienne ne se trouverait plus en grande quantité après avoir été largement exploitée aux XVII et XVIIIème siècles, voilà que le pays allait connaître une nouvelle ruée vers l’or.

Nous sommes fin 1979 lorsqu’un enfant ou un cow-boy local, selon les sources, trouve une pépite d’or dans la municipalité du Marabá, située au sud-est de l'État du Pará. Très vite, la nouvelle se répand et des milliers de personnes du pays tout entier commencent alors à affluer en quête du précieux métal. Non loin de là où a été trouvé l’or, les prospecteurs découvrent une colline dénuée de végétation surnommée Serra Pelada (montagne pelée). La colline semble cacher de grandes quantités d’or, faisant ainsi miroiter l’espoir d’une vie meilleure. Nous sommes alors début 1980, c’est le commencement de l’exploration de ce qui deviendra la plus grande mine à ciel ouvert au monde.

A l’époque, c’est la compagnie Vale do Rio Doce, une entreprise minière multinationale, qui détient les droits de la mine. Au début de l’exploration, chaque chercheur d’or se voit octroyer une petite parcelle qu’il peut explorer. Rapidement, des pépites d’or sont trouvées, attirant de plus en plus de travailleurs en quête d’un enrichissement rapide.

Après quelques mois d’exploration, l’armée intervient finalement pour prendre le contrôle et éviter les débordements au sein de la mine. Le Major de l’Armée, Sebastião Curió, est alors nommé responsable de l’organisation du lieu.

Des contrôles sont mis en place, seuls les prospecteurs enregistrés sont autorisés à entrer dans la mine. A l’intérieur de celle-ci, la présence de femmes, d’armes, d’alcool et de jeux est interdite, alors le week-end, les travailleurs se rendent dans la municipalité où se situe la Serra Pelada, nommée Curionópolis, en hommage au général.

En plus de la présence de l’Etat Fédéral, d’autres organismes viennent s’implanter près de la Serra Pelada. C’est le cas de la Caixa Econômica, la banque publique du Brésil. La vente de l’or ne devient alors possible qu’en passant par la Caixa, permettant ainsi au gouvernement de contrôler le prix du précieux métal.

Au cours de ses années de fonctionnement, on dit que 45 tonnes d’or furent extraites de la Serra Pelada, faisant travailler environ 100 000 hommes. La mine aurait également atteint près de 200 mètres de profondeur.

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photo des escaliers adeus-mamae prise par Sebastião Salgado.(Source: https://valor.globo.com/eu-e/noticia/2019/07/12/fotos-de-sebastiao-salgado-em-serra-pelada-retornam-em-exposicao-e-livro.ghtml)

L’envers du décor 

La Serra Pelada était un puits sans fond, d’où beaucoup d’hommes ne ressortirent pas. L’or trouvé par les prospecteurs (garimpeiros en portugais) ne générait pour la majorité d’entre eux, aucune richesse. Lorsqu’il en générait, cette richesse était aussitôt dépensée à Curianópolis dans l’alcool, les jeux et la prostitution et les travailleurs retournaient inlassablement dans la mine. L’espoir de s’enrichir se faisait dans des conditions de travail extrêmement précaires et dans la désillusion de pouvoir ensuite sortir de la misère.                                                                                 

Pour rejoindre la mine, deux accès uniques: à pied ou en avion. Pour les travailleurs, c’était un petit chemin de terre qu’il fallait emprunter sur environ 15 kilomètres. La mine était divisée en parcelles (barrancos en portugais) de 6m² chacune sur laquelle travaillaient 10 à 15 hommes. Il y avait ceux qui creusaient (les cavadores), ceux qui remplissaient les sacs de terre (les enchedores) et enfin les “fourmis” (formigas) qui étaient chargées de transporter les sacs hors de ce puits immense.

Les conditions de travail et d’hygiène étaient déplorables. Les garimpeiros travaillaient sans aucune protection particulière, vêtus de simples t-shirt et pantalon, respiraient la poussière et le monoxyde de fer, portaient sous une chaleur intense, des sacs de 30 kilos couverts de boue. Pour sortir du puits, chargés comme des mules, il leur fallait remonter des escaliers de bois et de cordes qui par leur dangerosité étaient surnommés “adeus-mamãe” soit adieu-maman. Les accidents du travail étaient fréquents tout comme la violence. Chaque mois, c’était environ 80 personnes qui étaient assassinées.

Malgré cela, l’espoir de devenir riche ne quittait pas les esprits des travailleurs qui continuaient de creuser de plus en plus profond, rendant leur travail toujours plus dangereux.

La Serra Pelada était une voie sans issue pour les travailleurs qui recevaient très peu pour l’or qu’ils trouvaient. La banque fixait les cours et reversait un prix dérisoire par rapport à la valeur réelle du précieux métal.

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Photo prise du haut de la mine Serra Pelada du photographe Alfredo Jaar .(Source: http://arteseanp.blogspot.com/2018/10/)

En 1982, alors que Figueiredo, le dernier président de la dictature, est au pouvoir, une première tentative est lancée afin de fermer la mine, sans succès. La mine continue de fonctionner, toutefois, le travail ne se fait plus de façon manuelle. A partir de 1983 les machines viennent remplacer les pelles. Au fil des années, l’or devient plus rare et les problèmes techniques plus nombreux ce qui entraînera finalement la fermeture de la mine au début des années 1990. En 1992, le gouvernement brésilien fit de la Serra Pelada une réserve historique nationale, interdisant ainsi toute exploration supplémentaire du sol. Le puits qui avait remplacé la colline se remplit alors d’eau, largement contaminée par le mercure. Une véritable catastrophe écologique. En 2002, le Congrès annule la décision prise en 1992 par le Gouvernement permettant à nouveau l’exploration. En 2007, l’entreprise canadienne Colossus Minerals Inc rachète une partie de la Serra Pelada. Commencent alors d’importantes négociations pour la reprise d’activités dans l’ancienne mine.

Aujourd'hui, Serra Pelada est toujours reconnue pour sa richesse minérale et garimpeiros indépendants et multinationales luttent pour son exploitation.

Durant des années, malgré des conditions de travail extrêmement précaires, l’espoir d’enrichissement créé par la Serra Pelada alimenta la foi des hommes qui n’ont cessé de creuser sa terre. Serra Pelada fut la convoitise de nombreux d’entre eux, l’espoir d’une vie meilleure.

La plus grande mine à ciel ouvert au monde a également inspiré des artistes tels que le photographe brésilien Sebastião Salgado ainsi que l’artiste chilien Alfredo Jaar pour une réalisation de clichés sur les conditions des travailleurs. Cette ruée vers l’or fut aussi le thème de films et documentaires tels que “Os Trapalhões na Serra Pelada” (1982) ;  “Serra Pelada - La légende de la montagne d’or” (2013) ou encore Serra Pelada de Heitor Dhalia.

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Lac formée à l’endroit de l’ancienne mine Serra Pelada.(Source: https://www.todamateria.com.br/serra-pelada/)